Création d’un nouveau centre collégial de transfert technologique en sciences pharmaceutiques
En janvier 2018, le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur a fait un appel de propositions à l’ensemble du réseau en vue d’établir un nouveau centre collégial de transfert de technologie (CCTT). Dans cet esprit, le Collège John Abbott et le Cégep Gérald-Godin ont décidé de s’unir pour présenter ce projet en lien avec le monde de la pharmaceutique.
Ces derniers, situés à Montréal, ont récemment confirmé la création d’un nouveau CCTT en sciences pharmaceutiques. La ministre de l’Enseignement supérieur et députée d’Outremont, Hélène David, en a d’ailleurs fait l’annonce cet été.
La mission
Ce CCTT en sciences pharmaceutiques, appelé précisément le Centre d’expertise et de recherche appliquée en sciences pharmaceutiques (CERASP) du Collège John-Abbott et du Cégep Gérald-Godin aura pour mission de développer et de soutenir la recherche appliquée, la formation et le transfert technologique en lien avec la découverte, le développement et l’évaluation de solutions innovantes dans le domaine pharmaceutique, notamment en biopharmacie, en technologie pharmaceutique, en production pharmaceutique et en santé numérique.
« Le CERASP sera affilié avec les deux cégeps, explique en entrevue Michel Fafard, enseignant coordonnateur du programme de Technologie de la production pharmaceutique au Cégep Gérald-Godin, impliqué dans la demande d’établissement du CERASP auprès du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. L’une des façons de soutenir la recherche au niveau collégial pour le ministère est de financer les centres collégiaux de transfert de technologie. Ça fait environ 25 ans qu’ils existent au Québec. On en retrouve 52 un peu partout en province.
« Évidemment, le gouvernement souhaite qu’ils ne se dédoublent pas. Il faut aussi qu’ils soient dispersés dans diverses régions. Ils ont différentes spécialités, comme les matériaux ou encore les sciences de l’optique. Ces CCTT doivent être encadrés par un cégep. Au mois de juin, le ministère a créé 10 nouveaux centres, dont le CERASP. Il sera le premier centre de recherche collégial en sciences pharmaceutiques. »
Les activités de recherche et de formation du CERASP s’articuleront autour de quatre grands objectifs, selon M. Fafard :
- Développer et soutenir la recherche appliquée en sciences pharmaceutiques;
- Offrir un service-conseils et des formations adaptées aux entreprises;
- Accueillir, encadrer et former des étudiants en recherche appliquée au niveau collégial;
- Promouvoir l’innovation et la recherche appliquée en sciences pharmaceutiques.
Les principaux secteurs d’intervention du CERASP sont en lien avec les domaines de la pharmaceutique, de la biotechnologie, du biomédical, du cosmétique, des produits de santé naturels et du bioalimentaire.
« L’industrie naissante du cannabis pourra aussi bénéficier des activités de recherche et de formation du CERASP », ajoute M. Fafard.
Appui au projet
Par ailleurs, plusieurs entreprises, telles que Pfizer, Confab, Lernapharm et Inversago Pharma, appuient cette initiative sur la base que le CERASP pourra les soutenir et contribuer au succès des PME et des organisations dans le domaine.
« L’implantation du CERASP suscite également l’intérêt de nombreux organismes du milieu. Montréal InVivo, la grappe des sciences de la vie et des technologies de la santé du Grand Montréal, appuie avec enthousiasme la création de ce nouveau CCTT, affirme Richard Harnois, le directeur des études au Cégep Gérald-Godin. Pharmabio Développement y voit une belle occasion de favoriser le développement des activités de cet important secteur économique du Québec. »
La Ville de Montréal et la Ville de Sainte-Anne-de-Bellevue soutiennent également le projet, tout comme plusieurs scientifiques. Mentionnons l’appui des membres du corps professoral de l’Institut de génie biomédical de Polytechnique Montréal, qui croient à l’impact positif de l’implantation du CERASP.
« En fait, la création du CERASP est une excellente nouvelle pour le milieu de l’éducation, de la recherche et des affaires. Le CERASP est, en fait, un projet rassembleur et fort stimulant pour moi-même et pour le personnel du cégep; c’est aussi un projet qui suscite de l’intérêt dans le milieu pharma », soutient M. Harnois.
« Au fil des ans, nos établissements d’enseignement supérieur ont développé une expertise reconnue par les entreprises dans le domaine des sciences pharmaceutiques. Grâce au centre, nous pourrons dorénavant réaliser des projets de recherche appliquée au profit de l’industrie pharmaceutique au Québec tout en y associant des étudiants pour encourager leur intérêt à l’endroit de la recherche », a pour sa part indiqué Philippe Gribeauval, le directeur général du Cégep Gérald-Godin, par voie d’un communiqué.
Inquiétudes de certaines industries ?
On ne peut présumer à l’avance des mandats qui seront confiés au CERASP par certaines entreprises pharmaceutiques qui deviendront en quelque sorte ses clients. À la base, le CERASP sera spécialisé en transfert technologique au niveau du produit et du procédé. Par la force des choses, les gens qui travailleront au CERASP auront aussi accès à des chercheurs qui pourront offrir des conseils aux entreprises. D’après messieurs Fafard et Harnois, les employés du CERASP ne vont pas imposer leur collaboration aux entreprises. À vrai dire, le centre va travailler avec les entreprises qui sollicitent son aide.
Les services du CERASP pourront s’avérer avantageux pour une PME, par exemple. Des directeurs techniques, qui vont encadrer les chercheurs, feront en parallèle des démarches afin de trouver des subventions et d’autres formes de financement. Le centre sera accrédité par les organismes fédéraux et provinciaux pour recevoir des fonds de recherche. « Ainsi, pour une PME, il pourrait y avoir de très bons avantages à faire appel à un CCTT en sciences pharmaceutiques parce que les dirigeants de l’entreprise ne seront pas obligés de porter seuls le fardeau de la recherche de financement pour du développement technologique, de l’innovation ou de la recherche. Bien entendu, il existe déjà des consultants sur le marché. Cela dit, le but du CERASP n’est pas de voler du travail à ces consultants… Évidemment, le centre aura des avantages dont ne disposent pas toujours les consultants. Le centre aura à sa disposition des équipements et peut faire de la recherche appliquée, qui est son mandat principal », dit Michel Fafard.
Outre l’entreprise, le CERASP pourrait développer d’autres partenaires provenant de milieux différents. Par exemple, il pourrait y avoir des collaborations avec des universités. « Ce sera la responsabilité des directeurs techniques d’évaluer quels seront les collaborateurs potentiels, au fil du temps. Il est possible qu’ils soient aussi obligés de sous-traiter certains de leurs services offerts aux entreprises. Car le centre ne pourra devenir autonome dès son ouverture », précise-t-il.
Intégration de stagiaires
Au sein du CERASP, on trouvera des chercheurs, des chargés de projets, des étudiants ainsi que certains professeurs des deux établissements scolaires concernés, à savoir le Collège John-Abbott et le Cégep Gérald-Godin.
« Les chercheurs seront d’ailleurs en mesure de se tourner vers les responsables de la coordination des programmes afin de solliciter l’aide de certains étudiants [des stages]. Ceux-ci pourront appliquer et il y aura ensuite une sélection. Dans nos programmes, il existe déjà des stages accrédités. D’autres stages pourront être rémunérés, selon les cas. Pour l’instant, je ne peux préciser combien de stages seront offerts au CERASP. Tout dépendra des types de projets », mentionne M. Fafard.
Aux dires de Richard Harnois, la gestion des stages reste à définir. Chose certaine, le volet de la formation sera important au CERASP. Il accueillera et encadrera des étudiants dans des projets de recherche appliquée. « Le CERASP contribuera également aux activités de formation par des cours crédités ou non, et grâce à des stages, développant ainsi les talents, les compétences et une relève hautement qualifiée au Québec. »
« Déjà, dans le cadre des activités de recherche appliquée menées en Technologie de la production pharmaceutique, le Collège John Abbott a recruté des étudiants pour prendre part aux différents projets de recherche appliquée subventionnés par le CRSNG. Les deux cégeps accueillent sur une base annuelle également des stagiaires de MR3 relève, un organisme affilié à la Chambre de commerce de Montréal. »
Le futur centre continuera d’accueillir les étudiants et de les impliquer dans les projets de recherche appliquée. Toujours selon M. Harnois, ceci augmentera leur exposition aux nouvelles technologies et aidera grandement à l’acquisition de compétences clés pour leur intégration efficace sur le marché du travail.
« Idéalement, les stages seront rémunérés. Grâce à des subventions et aux revenus provenant des entreprises, on pourra rémunérer les stagiaires. Évidemment, tout dépendra des besoins de chaque entreprise. Si c’est un besoin très particulier, propre à l’entreprise, il est possible qu’elle assume les frais associés au stage. Bien entendu, les chercheurs qui travailleront seront rémunérés. Les cours pourront être crédités, mais cela reste à définir. Tout dépendra des objectifs d’un cours et du travail effectué par un stagiaire dans le cadre d’un projet de recherche du CERASP. Il faudra que ce soit en respect des critères du ministère de l’Éducation. On peut se douter que plusieurs stages seront rémunérés et crédités. D’où l’importance d’associer la pratique à la théorie. »
À propos de l’octroi des stages, insiste M. Fafard, les responsables du CERASP devront avoir un préjugé favorable à l’endroit des étudiants issus du Collège John-Abbott et du Cégep Gérald-Godin. « C’est dans l’ADN d’un CCTT, du moins pour les stages. Pour les emplois, c’est une autre histoire. Il n’y a pas une tonne de chercheurs dans les cégeps. Cela dit, certains professeurs pourraient être libérés d’une partie de leur tâche d’enseignement afin de participer à un projet de recherche donné. »
Notons que le Cégep Gérald-Godin dispose de cinq professeurs en Technologie de la production pharmaceutique. Une quarantaine d’étudiantes et d’étudiants participent à ce programme d’études.
Il est à noter que seuls le Cégep Gérald-Godin et le Collège John Abbott offrent au Québec le programme Technologie de la production pharmaceutique.
Activité de recherche et de formation
Michel Fafard tient à souligner que les activités de recherche et de formation du CERASP s’articuleront autour des quatre axes suivants :
- Développement, formulation et préparation de produits (selon diverses formes, avec des technologies variées);
- Procédés de fabrication de produits;
- Normes et règles de contrôle de la production;
- Santé numérique (applications mobiles, système automatisé d’auto-administration de médicaments, etc.).
« Au Cégep Gérald-Godin, on a manifesté un intérêt particulier pour la santé numérique, indique M. Harnois. En lien avec le vieillissement de la population, on peut parler de système d’automatisation de l’administration du médicament. On peut certainement améliorer ce qui existe déjà. Je pense aussi à des applications mobiles liées à l’usage du médicament, à la programmation adaptative ou encore à l’automatisation de certains processus de produit. On couvrira quand même toutes les étapes : le développement, la formulation et la préparation de produit, la fabrication, le contrôle de la production et l’encadrement de l’usage. »
Collaboration entre les CCTT
Les entreprises, les centres collégiaux de transfert technologique et les partenaires de l’éducation (cégeps et universités) font partie des organismes avec lesquels le CERASP pourrait développer des projets spécifiques. Les services offerts par le CERASP pour ces projets sont multiples, d’après le directeur des études du Cégep Gérald-Godin :
- Soutien technique : accompagnement dans une démarche de transformation ou changement technologique, adaptation ou recherche de solutions innovantes, transfert de savoir, entre autres;
- Recherche appliquée et développement technologique : conception et réalisation de produits, élaboration et mise à l’essai d’équipements de pointe, amélioration dans les processus de fabrication, interventions et transfert de technologie, par exemple;
- Formation : ateliers adaptés aux besoins des entreprises, études de marché, conférences et colloques, etc.
Par ailleurs, M. Fafard mentionne que l’ensemble des CCTT du Québec ont le mandat de travailler ensemble : « Si l’un des projets du CERASP renferme un volet en automatisation, il serait souhaitable qu’il collabore avec un autre CCTT spécialisé dans le domaine. »
Le CERASP encouragera les échanges et collaborations avec divers organismes dans le domaine, notamment avec d’autres cégeps et universités, dont les deux universités du Québec ayant des facultés de pharmacie, l’Université Laval et l’Université de Montréal, et avec l’école Polytechnique Montréal, précise M. Harnois. Pour se distinguer dès la première année d’implantation, on devra trouver une identité visuelle au centre. On aura également besoin d’un site web.
Une solide expertise en amont
Avant même l’implantation du CERASP, l’équipe de recherche appliquée au Collège John Abbott a obtenu une subvention de recherche de 200 000 $ du CRSNG dans le cadre du programme de renforcement de l’innovation pour deux ans, soit 2016-2018. La subvention a été accordée pour la réalisation de trois projets en collaboration avec trois PME du secteur pharmaceutique : Altus Formulation, Importfab et SoBio Canada. Les résultats de la première phase de ces travaux ont été présentés l’été dernier durant la conférence annuelle de la Société canadienne des sciences pharmaceutiques.
Le Cégep Gérald-Godin offre déjà, depuis plusieurs années, des formations à des clients du secteur industriel ainsi que du secteur public ou parapublic : Merck, Pharmascience, Neopharm, Confab, Valeant, Santé Canada, etc.
Un tremplin vers l’emploi
De l’avis de M. Fafard, le CERASP pourrait servir de tremplin pour l’obtention d’un emploi dans une entreprise de l’industrie pharmaceutique. « Un étudiant impliqué dans un projet associé à une entreprise pourrait certainement bénéficier d’une forme de visibilité. S’il a une bonne compréhension de l’entreprise et de ses enjeux, le CERASP pourra certainement être un tremplin. L’objectif premier du CERASP est d’intéresser les étudiants à la recherche. Nos étudiants des deux cégeps pourront certainement obtenir des entrevues en entreprise si leur travail est apprécié durant un stage. »
À la recherche de deux directeurs techniques
Prochainement, deux directeurs techniques seront embauchés. Chacun aura le mandat de superviser les activités du CERASP au Collège John-Abbott et au Cégep Gérald-Godin. Ils devront toutefois travailler en étroite collaboration.
« Les directions des études des deux collèges sont en train de créer l’entité administrative, la structure légale du CERASP, explique Michel Fafard. Le premier pas sera d’embaucher les directeurs techniques, qui seront en poste dès janvier. Ils auront plusieurs mandats, dont travailler sur le financement et acquérir de nouveaux équipements.
« Surtout, ils devront faire une tournée des entreprises [elle s’étalera probablement sur plusieurs mois, dès l’hiver] afin de connaître leurs besoins. Nous aimerions que certains projets de recherche soient entamés en 2019. Par exemple, la formulation, le développement d’algorithmes de produits, la caractérisation de certains ingrédients ou la conception d’un procédé de fabrication. »
Un mandat panquébécois
Lorsqu’ils seront sélectionnés, les directeurs techniques du CERASP auront la responsabilité d’élaborer une grille de tarifs à la suite d’une étude de marché. Un directeur général du centre devrait aussi être embauché durant la prochaine année. Il sera responsable à cent pour cent des activités du CERASP. Celui-ci travaillera sous la supervision des conseils d’administration des deux cégeps. Mentionnons que même si les deux cégeps associés au CERASP sont localisés dans l’Ouest de Montréal, les services du centre s’adresseront à toutes les entreprises québécoises. « Si une entreprise à La Pocatière souhaite développer un projet de revalorisation d’une substance maritime dans le but d’en faire un produit pharmaceutique, le CERASP pourra s’y investir. C’est son mandat », souligne M. Fafard.
Le CERASP n’a pas de date butoir. À vrai dire, le ministère de l’Éducation n’a jamais fermé un CCTT. Bien entendu, chaque direction de CCTT doit régulièrement rendre des comptes (fournir un bilan) au gouvernement, voire apporter des correctifs à sa structure.
Le ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur accorde un soutien financier pour les organismes reconnus comme CCTT, à savoir 150 000 $ pour 2018-2019, dans le cadre de l’annexe budgétaire S008. Un montant additionnel de 120 000 $, dédié au fonctionnement et aux retombées sur l’enseignement collégial, est prévu dans le cadre de l’annexe S049 du régime budgétaire et financier des cégeps 2018-2019.
Un soutien financier est également accordé par le ministère de l’Économie et de l’Innovation, dans le cadre du Programme de soutien aux organismes de recherche et d’innovation (volet 1 : Soutien au fonctionnement d’organismes). Le montant est de 80 000 $.
Bien que le gouvernement du Québec soit totalement responsable du financement de départ pour la création d’un CCTT, ce dernier doit par la suite trouver d’autres sources de revenus. « Éventuellement, le CCTT doit travailler dans un univers de cofinancement. Le client éventuel, c’est-à-dire l’entreprise, en finance une partie, et les gouvernements provincial et fédéral, par l’entremise de subventions, participent aussi. Certains CCTT parviennent à devenir autosuffisants. Bien que les CCTT soient des organismes sans but lucratif, ils peuvent acquérir l’autonomie financière. À terme, ils ont la responsabilité de s’autofinancer. Sinon, les cégeps seront éventuellement appelés à absorber les pertes du CCTT », précise M. Fafard.
Regard | Janvier 2019